Ce n’est pas facile de trouver un bon entraîneur et c’est encore plus difficile d’en trouver un qui convient à votre enfant. Je me suis entretenu avec le maître international Tom O’Donnell et je lui ai posé quelques questions sur la façon de choisir un bon entraîneur d’échecs; et plus tard dans cet article, j’exprimerai ma propre opinion sur le sujet.  


Article composé par Victoria Jung-Doknjas / Traduit par Maria Manuri


 

Écoutons maintenant Tom.

Quelle est votre approche en tant qu’entraîneur d’échecs et quelle est votre implication avec Échecs et Maths?

Tom: Je suis entraîneur à temps plein depuis 1990 environ et j’ai enseigné les échecs dans les classes pour Échecs et Maths de 1991 à 1996 et de 1998 à 2011. Je fais encore un camp d’échecs par année pour l’AEM, mais le reste du temps j’entraîne des jeunes en ligne via Skype ou via l’Internet Chess Club. Aujourd’hui, la plupart de mes élèves proviennent des États-Unis.

J’ai commencé à planifier devenir MI en 1985 même si j’avais à l’époque une cote d'environ 2100. Avec un minimum de talent et beaucoup de travail acharné, je pense avoir atteint la force MI en 1988. Il a fallu deux autres années avant que je puisse concourir pour obtenir mes normes, car c’est le temps qu’il m’a fallu pour économiser l’argent du voyage. Après cela, j’ai réalisé assez vite qu’il était quasi impossible de me rendre au titre de GM car cela demandait encore plus de moyens financiers, sans mentionner le large fossé dans la cote entre un MI et un GM. J’ai donc diminué la pratique du jeu pour commencer une carrière d’entraîneur.

Il n’y avait pas beaucoup d’entraîneurs à temps plein à cette époque. L’affluence massive d’Européens de l’Est, de Chine et de l’Inde ainsi que l’ascension des ordinateurs à la maison a rendu ce choix de carrière plus facile.

Beaucoup de parents pensent que plus un entraîneur est fort au niveau de la cote mieux il sera comme entraîneur. Selon certains d’entre eux, un entraîneur ayant un titre MF, MI ou GM serait plus compétent même si la force de leur enfant ne dépasse pas 1000 de cote. Que diriez-vous à ces parents?

Tom : La plupart de mes élèves sont des joueurs de tournois entre 800 et 2200 de cote. Lorsqu’ils atteignent 2250 de cote, je les encourage à trouver un entraîneur plus fort. J’ai une bonne expertise des échecs mais un joueur de 2500 de cote FIDE en sait beaucoup plus que moi. Lorsqu’on a atteint les limites des connaissances de l’entraîneur, il faut passer à un autre plus fort.

Donnons ici un exemple. Supposons que votre enfant ait une cote canadienne de 1000. Un entraîneur de 1800 de cote canadienne qui a beaucoup d’expérience de tournois et qui connaît beaucoup de choses sur les échecs peut très bien faire l’affaire pendant quelques années, disons jusqu’à ce que votre enfant atteigne 1600 de cote. Ce n’est pas parce que je suis plus fort que je comprends mieux comment un joueur de 1000 de cote joue surtout si l’entraîneur travaille avec beaucoup de joueurs de cette force. Mais à un certain moment, la force de l’étudiant atteindra celle de son entraîneur et c’est là qu’il devra en trouver un plus fort avec une autre perspective du jeu.

C’est aussi correct de licencier son entraîneur et vice-versa. On m’a laissé aller plusieurs fois en tant qu’entraîneur et j’ai cessé d’enseigner pour plusieurs étudiants. Quelquefois, un duo ne convient tout simplement pas. C’est plus important de trouver une personne avec qui tu t’entends bien que baser ses choix sur la force du jeu seulement. Ce qui nous amène à …

 

Quelles sont, selon vous, les qualités essentielles d’un bon entraîneur d’échecs pour enfants?

Tom: Une bonne évaluation réaliste de l’étudiant. Quelle importance la pratique du jeu d’échecs a pour lui ou elle. Quand on sait à quel point l’enfant est allumé par le jeu, on sait que s’il ne comprend pas une explication, c’est de notre faute et non de la sienne. J’essaie d’expliquer les choses de deux manières différentes car les enfants ont tendance à vouloir plaire aux adultes; par exemple, je leur demande « As-tu compris? », ils répondent souvent par l’affirmatif mais en fait ils ne comprennent pas  :-)

La patience est également importante. « La répétition est l’âme de la pédagogie », c’est ce que quelqu’un m’a dit dans mes débuts d’enseignement. C’est tellement vrai. Vous expliquez quelque chose à un étudiant et il en comprendra peut-être 20%. Six mois plus tard, vous expliquez la même chose et il en comprendra 50%. Cela prendra peut-être deux ans avant qu’il comprenne vraiment. Vous devez donc attendre.

Une partie du travail consiste à motiver et à encourager. Leur faire comprendre qu’ils devront faire le travail nécessaire. L’entraîneur est là pour s’assurer qu’ils ne perdent pas son temps en étudiant de façon inadéquate. Mon ami, MI Dave Ross, qui est aussi entraîneur, m’a dit un jour que notre travail était de faire en sorte qu’ils s’améliorent plus efficacement. Je suis d’accord avec ça.

Pour les parents et les joueurs à la recherche de leur premier entraîneur d'échecs privée ou à la recherche d'un nouvel entraîneur d'échecs, quels conseils leur donneriez-vous?

Tom : Votre enfant devra faire le travail. Il n’y a pas de secret pour devenir meilleur aux échecs sauf qu’il faut jouer beaucoup, réfléchir beaucoup et travailler beaucoup. Les entraîneurs aux échecs sont comme des guides de jungle. Le guide peut vous dire d’éviter les sables mouvant ou de rester à l’écart des serpents venimeux, mais ce n’est pas son travail de vous transporter sur son dos.

Il y a plusieurs années, je travaillais avec un étudiant qui à l’époque avait une cote d’environ 2100. Il était âgé de 13 ans et je lui ai mentionné un jour qu’il était à peu près aussi fort que je l’étais quand j’avais 20 ans. Il a ri et m’a demandé pourquoi. J’ai répondu «T’es devenu plus fort plus rapidement parce que je suis à tes côtés. Tout ce que j’avais à l’époque était … moi.» Je sais aujourd’hui pourquoi et comment j’ai perdu tant de temps dans ma propre ascension échiquéenne, ce qui ne serait jamais arrivé si j’avais eu un entraîneur. 

Avez-vous d’autres choses à ajouter sur ce sujet?

Tom: Soyez sceptique des entraîneurs à l’emporte-pièce ou à la méthode miracle. Ce que je veux dire par là est qu’il faut se méfier des entraîneurs qui insistent pour que vous jouiez une ouverture parce qu’il la joue. Un entraîneur doit d’abord avoir une idée de la façon dont vous jouez (par exemple, êtes-vous un joueur tactique, aimez-vous ou êtes-vous fort dans les fins de parties, comment est votre mémoire, avez-vous peur de sacrifier du matériel?) pour ensuite lui suggérer un répertoire d’ouvertures dans lequel il peut choisir. Ce répertoire peut changer au fil du temps tout comme votre jeu qui change avec le temps.

Soyez également sceptique des personnes qui font beaucoup de promesses. Si vous faites le travail, je pense que d’améliorer sa cote de 200 points par année est faisable pour la plupart des enfants jusqu’à l’obtention d’une cote de 1600 ou 1800. Après cela et pour la plupart des jeunes, l’ascension se fera plus lentement, autour de 100 à 150 points par an. Toute personne qui garantira que vous monterez de 1000 à 2200 de cote en deux ans … Je lui demanderais une garantie de remboursement. ;-)

Il est aussi tout à fait possible que votre enfant ne devrait pas avoir d’entraîneur. Un entraîneur coûte de l’argent et du temps. Si la pratique du jeu d’échecs est pour votre enfant une activité qui vient en septième ou dixième place dans une semaine, vous n’obtiendrez pas grand-chose de vos leçons particulières. Pour certains de mes élèves, leurs parents ne se soucient pas de leur ascension. Ils veulent que leur enfant apprécie les échecs et pas nécessairement en faire un joueur. Il n’y a rien de mal à cela en autant que les parents comprennent qu’une seule leçon par semaine et rien d’autre ne fera pas de leur enfant un meilleur joueur.

 

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Victoria: Un coach est comme un entraîneur personnel pour l’esprit. Les bons entraîneurs identifient les faiblesses du joueur en créant des exercices qui l’aideront dans ces domaines. Ils encouragent et motivent les joueurs sans jamais se fâcher. Les bons coachs sont aussi des enseignants qui excellent à communiquer et à vulgariser des notions échiquéennes complexes au niveau de compréhension de l’élève. Sélectionnez un entraîneur qui garde en tête les intérêts de l’enfant et avec qui il aura une bonne relation de travail.

Ce blog a été écrit par Victoria Jung-Doknjas.  Vos commentaires sont bienvenus et encouragés.  Envoyer un courriel avec vos commentaires à: CMAChessBlog@gmail.com 

Le sujet du blog de la semaine prochaine: « Une entrevue avec le maître FIDE Lefong Hua »

 


À propos

L'Association Échecs et Maths (AEM) est un organisme sans but lucratif qui, avec ses coordonnateurs provinciaux, a pour but de promouvoir le jeu d'échecs en milieu scolaire au Canada.